Texte original de Lionel Le Guen. Durée de lecture : 5 mns
Parmi la matière littéraire qui a transmis le yoga jusqu’à nous, une référence pour de nombreuses écoles sont les yoga-sūtra de
Patañjali.
Je me souviens de ma première rencontre avec ce texte comme d’un véritable mur !
Une langue étrange, des concepts très nombreux dans une traduction littérale du sanskrit qui les rendaient abscons voire farfelus …
Il m’a fallu plusieurs temps d’étude pour commencer à comprendre l’objet même de ce recueil de sagesse yogique.
Une transmission orale
De nos jours les yoga-sūtra sont publiés en livre de poche et même en ligne. Notre époque permet cela, donne accès à tout. Mais le propre de ce genre littéraire est d’être transmis, les yoga-sūtra demandent à être enseignés. Et je défis quelque béotien de les lire bille en tête... Il en éprouvera au mieux une impression d’ésotérisme ou, plus fâcheux, fera des contre-sens malheureux.
Par son aspect hermétique, le texte maintient ainsi la nécessité d’une transmission orale comme dans les temps anciens. Ce que je rappelle aux élèves qui me demandent quelle édition choisir, non sans créer une frustration chez eux mais… l’autonomie sera pour plus tard :)
Étudier les yoga-sūtra est important pour comprendre l’objet même du yoga (lire l’anecdote en encart). Et quelque soit la qualité de
traduction et des commentaires d’une édition, cette étude doit se faire avec un enseignant, lui-même solidement initié au texte bien sûr.
Cette transmission est donc opérante dans la relation. Une relation nourrie de confiance et de bonnes intentions réciproques.
Et c’est là que, parfois, le bât blesse. L’engagement de l’apprenant comme de l’enseignant doit être sincère et maintenu dans le temps. Une méditation à deux qui
mènera les deux (!) vers une évolution de compréhension, un rapport à soi et au monde plus élevé.
Car oui, les yoga-sūtra ont une force transformatrice, ils parlent de et à l’individu. Cette compilation de sagesse védique est un traité de vie, une grille de lecture pour nos existences qui cheminent sans lumière. C’est donc un texte majeur pour tout chercheur de vérité.
Dans l’évolution du yoga moderne, les yoga-sūtra ne sont plus une référence pour tous.
Je me souviens de cette enseignante influencée de culture américaine dans son approche du yoga et très présente sur les réseaux sociaux. Je lui demandais à
rejoindre son groupe local Facebook afin de communiquer sur mon prochain atelier d’initiation aux yoga-sūtra.
Je n’ai pas été admis car «je parle d’un yoga trop traditionnel (sic !)» m’a-t-elle répondu.
Cette anecdote est très révélatrice je trouve d’un éloignement du sens pour la forme.
Humilité et confiance
La transmission initiatique crée de fait une dépendance. L’apprenant doit donner la main à celui qu’il reconnaît comme plus avancé et digne de sa confiance. Dans notre époque où toutes les connaissances sont accessibles, où il semble possible de faire son chemin sans guide, cette dépendance paraît obsolète voire suspecte.
Mais à bien y réfléchir, qui oserait escalader le mont Kailash sans un guide ?
Le sommet de sagesse de Patañjali se gravit dans les pas de celui qui connaît le chemin et sait l’éclairer au rythme des pas de chacun.
Interprétations et manipulation
Mais comme tout texte qui demande à être interprété, les yoga-sūtra peuvent être l’objet de manipulation par des gloses idéologiques. Et il peut être très douloureux de comprendre que celui qui nous a transmis cette sagesse l’instrumentalise aujourd’hui à dessein. Parmi les enseignants actuels, il y a des abuseurs de sens. Ils dévient le sens spirituel du texte antique vers un sens politique, idéologique. Et ce sens caché sous couvert de conduire l’autre vers une évolution de conscience peut être vraiment nauséabond et en contradiction fondamentale avec les valeurs du yoga. Alors que Patañjali, gardien du sens élevé de la pratique, prône l’abandon de toutes les fausses identités dont l’individu se pare dans le monde matériel pour retrouver, par la voie du yoga, sa vraie nature spirituelle, ces enseignants-tartuffes distillent dans leurs stages et formations en ligne les thèses identitaires, nationalistes et racistes qui pointent à nouveau dans nos sociétés.
L’ incarnation nécessaire de la transmission des yoga-sutra est donc à double tranchant selon la probité de l’enseignant. Elle doit donc se faire dans l’exigence éthique du yoga : le respect de la confiance donnée, la non-violence et la sincérité. Ces valeurs premières du yoga devraient être le garde-fou des commentateurs du texte et de leur influence sur l’auditoire.
Bien sûr aucun enseignant n’est à l’abri d’interprétations biaisées, et dans la tradition des enseignements en sanskrit, tout commentaire doit être précédé d’humbles excuses pour leurs lacunes et leurs erreurs.
Mais manipuler sciemment le sens de cette sagesse antique est moralement inqualifiable et sûrement condamnable. Le manipulateur lui n’a pas d’excuses et devrait être banni de la communauté.
Le moment juste
Tout pratiquant sincère de yoga devrait se nourrir de la philosophie des Veda. Il faut trouver son guide, donner sa confiance et s'engager. Mais surtout l’étude des yoga-sūtra viendra naturellement à vous lorsque vous y serez prêt, comme l’annonce le premier sutra de Patañjali :
I-1 Atha yogānuśānam.
Ateliers sur les yoga-sūtra
Les yoga-sutra sont à aborder par couches selon notre progression dans la pratique et notre personnalité. J’accueille chaque année des prétendants à la connaissance de cette sagesse par un atelier d’initiation qui se poursuit par une étude approfondie par chapitre.
Pour connaitre les prochaines dates, consultez la rubrique Ateliers et Stages
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